mercredi 7 décembre 2011

«Je ne connais pas d’islamisme modéré»

La secrétaire d’Etat française à la Jeunesse Jeannette Bougrab est  d’origine algérienne et fille de harki ( nom donné aux supplétifs algériens de l’armée française pendant la guerre d’indépendance).
Elle réagissait  dans un entretien au journal Le Parisien aux succès électoraux des islamistes au Maroc, en Tunisie et en Egypte :

«C’est très inquiétant»
«Je ne connais pas d’islamisme modéré».
«Il n’y a pas de charia 'light'. Je suis juriste et on peut faire toutes les interprétations théologiques, littérales ou fondamentales que l’on veut, mais le droit fondé sur la charia est nécessairement une restriction des libertés, notamment de la liberté de conscience»


Lire aussi :
Bruxelles, ville musulmane
Ils seraient 236.000 en Région bruxelloise. Plus d’un habitant sur cinq serait d’ascendance musulmane, dans la capitale de l’Europe. Mais qui sont-ils vraiment, au-delà des chiffres ? C’est la question à laquelle répond « L’Iris et le Croissant », l’ouvrage que présente, ce jeudi matin, à l’Académie royale de Belgique, le sociologue Felice Dassetto, professeur émérite de l’Université catholique de Louvain.
L’ouvrage, édité par les Presses universitaires de Louvain, repose sur un travail intense d’observation et 150 entretiens, menés sur le terrain. Felice Dassetto, qui étudie l’islam belge depuis 40 ans, y dépeint une communauté arabo-musulmane multiple, en mutation profonde. « Le Soir » en avait livré les principales conclusions, voici tout juste un an. « L’islam est multiple, nous confiait le sociologue, beaucoup plus complexe qu’on ne l’imagine ». De fait, l’auteur a dressé une « typologie des populations islamisées de Bruxelles » qui démontre la diversité de cette communauté.
Le livre brise d’autres idées reçues. Sans nier l’existence de tendances fondamentalistes (notamment sous l’action des salafistes Rachid Haddach et Mustapha Kastit), le professeur Dassetto relativise leur influence réelle, à grande échelle. De même, il conteste la notion de « quartiers-ghettos », tout en reconnaissant l’essor de « territoires musulmans », à Bruxelles, marqués par leur identité ethnique et religieuse.
Felice Dassetto reste optimiste. Il continue à parier sur l’émergence d’un islam réformateur. Il incite la société civile à contribuer à la « décommunautarisation » de l’islam bruxellois, en considérant la foi musulmane comme partie intégrante de la société. Enfin, il suggère aux pouvoirs publics de prendre leurs distances face à l’islam « des ambassades » (sous la coupe des autorités diplomatiques turques et marocaines) et face à l’influence persistante de l’Arabie saoudite (via la mosquée du Cinquantenaire).

Les sept visages des musulmans de Bruxelles

En s’immergeant dans la population islamisée de Bruxelles, le sociologue Felice Dassetto a identifié sept profils spécifiques. Une typologie qui témoigne des multiples facettes de la communauté arabo-musulmane…
Le nostalgique
C’est le modèle de la première génération de migrants, arrivés en Belgique voici 40 à 50 ans. Ils ont reconstitué, dans leur quartier bruxellois, qui a pris les traits d’un quartier musulman, les relations et le mode de vie de leur village d’origine. Avec sa mosquée, son souk (les magasins ethniques), et l’intimité du cercle familial. Un petit monde « recomposé » qu’ils ne quittent pas ou peu.
Le nationaliste
Ils vivent à Bruxelles, mais leur coeur est en Turquie. Leurs identités religieuse et nationale se confondent. Ils restent connectés au pays d’origine, souvent avec la contribution intéressée d’associations religieuses officielles, comme la Diyanet, l’organe religieux de l’Etat turc. Côté marocain, ce profil est incarné par les affidés de l’ambassade du Maroc, tenants d’un islam sous contrôle.
Le fidèle
Les équivalents des paroissiens catholiques. Ils s’investissent dans la vie religieuse locale, autour de la mosquée, veillent à l’éducation des plus jeunes, leur enseignent l’arabe, le Coran. Des musulmans de deuxième génération y émergent, ajoutant une dimension éducative et sportive à l’action religieuse. C’est le moule des grandes fédérations turques : Diyanet, Milli Görus, Suleymancilar et Fetullaci.
Le baron
Des hommes jeunes, souvent au chômage. Comme les héros de Nabil ben Yadir, dans son film Les barons. Ils sont attachés au quartier, où ils se sentent rassurés, entre eux. S’ils n’ont pas de pratique religieuse, ils se considèrent néanmoins investis de la mission de défendre l’islam. Par exemple en dénonçant l’interdiction du port du foulard par les filles.
L’activiste
Leurs références spirituelles sont transnationales : la confrérie soufie, le salafisme… Certains s’isolent, coupés d’un monde qu’ils rejettent. Dans de rares cas, comme pour la « filière afghane », la lutte armée est une issue. D’autres s’investissent dans l’action des ONG, pour soutenir leurs frères, en Afghanistan, en Tchétchénie, en Bosnie… Ils sont de toutes les manifs. Contre la guerre en Irak, pour la Palestine…
Le décomplexé
C’est le modèle majoritaire, au sein de la jeune génération islamisée, à Bruxelles. Musulmans de deuxième ou troisième générations, célibataires ou jeunes parents, ils ont fait des études supérieures, connaissent l’islam et ses penseurs contemporains, à commencer par le réformiste de tendance salaf Tariq Ramadan. Ils sont pleinement bruxellois et pleinement musulmans. Double identité qu’ils assument.
L’Africain
Ils ont quitté l’Afrique subsaharienne et sont arrivés à Bruxelles par le hasard des flux migratoires. Ils ne voient la ville que comme « une plateforme d’atterrissage provisoire », un lieu de survie. Ils s’accrochent à leur mosquée africaine, pôle d’entraide et de socialisation. C’est à travers elle qu’ils appréhendent la réalité belge et bruxelloise.

Un député bruxellois sur cinq est musulman
En 20 ans, le nombre de députés bruxellois musulmans a crû de 0 à 19, apprend-on dans la dernière analyse de Brussels Studies.
Inédit, pointe Fatima Zibouh, chercheuse à l’ULg et auteure de la dernière contribution de la revue scientifique Brussels Studies . Quoi ? La représentation politique des musulmans à Bruxelles – comme se nomme cette dernière étude –, en comparaison aux autres grandes villes européennes. Et poursuit-elle, en introduction, “cette originalité est d’autant plus forte que l’un des sièges du Parlement bruxellois est attribué pour la première fois à une députée portant un foulard, Mahinur Ozdemir”. De 0, à la naissance de la Région en 1989, les musulmans occupent désormais, et depuis les dernières élections régionales, 21,3 % des sièges au Parlement bruxellois. Qui sont-ils ? Comment expliquer cette croissance ? Éléments de réponse.
1 QUI ? On entend ici par musulmans les élus qui se définissent eux-mêmes comme musulmans ou de culture musulmane. Ceux encore qui dans leurs discours et leur pratique électorale font référence (directement ou indirectement) à l’islam. Ces députés présentent divers profils; de la fréquentation régulière à la mosquée à l’athéisme ou à l’agnosticisme. Les parcours scolaire et professionnel sont également très diversifiés.
2 2004, LE TOURNANT . Ces élections régionales semblent avoir constitué un véritable tournant “ lié entre autres aux changements du code électoral”. Mais pas seulement : c’est aussi la première fois que deux élus socialistes de culture musulmane accèdent à des postes ministériels aux niveaux régional et communautaire (Fadila Laanan et Émir Kir).
3 POURQUOI ? Outre les facteurs institutionnels (mode de scrutin proportionnel, 200.000 naturalisations depuis 1989 à Bruxelles dues aux lois sur la nationalité, etc.), cette représentation politique s’explique aussi par la diversité et le multilinguisme de Bruxelles. Que l’on constate particulièrement dans certaines zones de la capitale présentant une forte concentration de populations musulmanes (les derniers chiffres font état d’un quart de la population bruxelloise, soit 250.000). Enfin, la mobilisation des associations (200 organisations) est aussi importante dans la Région. Preuve par l’exemple ? Il semblerait que le monde associatif turc soit mieux structuré et plus marqué. Ce qui pourrait expliquer les bons résultats des candidats d’origine turque, comme ceux d’Émir Kir, arrivé derrière Charles Picqué, ministre-président.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire