vendredi 11 novembre 2011

Il est exactement 11H11, ce 11/11/11 ... mais en octobre 2002 ...

"Il n'y a pas de faute ou de négligence dans le chef de l'Etat belge du fait de la gestion du dossier Sabena
Telle est la conclusion, laconique, d'un rapport de 100 pages établi par le cabinet d'avocats Nauta Dutilh pour le compte du ministre des Participations publiques, Rik Daems.
Ce rapport a été remis ce lundi à la commission parlementaire chargée d'enquêter sur les causes de la faillite du transporteur. Récit d'une agonie, sur la base de la chronologie très précise contenue dans le rapport.
Le ministre des Participations publiques prend ses fonctions, le 12 juillet 1999. La santé de la Sabena paraît bonne. D'après le document, petit à petit, le ministre découvre que le dossier est moins simple qu'il y paraît. Un rapport de la Banque d'affaires Goldman Sachs indique que « Swissair avait le contrôle de la gestion journalière de la Sabena depuis 1995 » (NDLR, date des accords conclus entre le gouvernement belge, représenté par Elio Di Rupo, et Swissair). Un autre rapport, établi par le Boston Consulting Group en 2000 pour le compte de Rik Daems, indique que le financement des Airbus altère gravement la situation financière.
Dans ce contexte, Rik Daems crée un comité d'accompagnement, composé notamment d'experts du Boston Consulting Group, d'ING, du bureau d'avocats Cleary Gottlieb et de la Société fédérale de participations (SFP). Ce groupe arrive rapidement à la conclusion que le partenariat avec Swissair doit se poursuivre. « La Sabena est totalement dépendante de Swissair parce qu'elle est incapable de financer seule ses Airbus et parce qu'elle est liée par des contrats très défavorables avec City Bird et Virgin Express », dit le rapport.
Rik Daems signe donc de nouvelles conventions avec la compagnie suisse, qui mettent en oeuvre les accords signés en 1995. Le 26 avril 2000, les dirigeants de Swissair apposent leur signature au bas d'un document qui prévoit que le groupe helvétique sera propriétaire à 85 % de la Sabena lorsque les accords bilatéraux entre l'Union européenne et la Suisse entreront en vigueur.
A la fin de l'année 2000, le temps se gâte. Le conseil d'administration de la Sabena se rend compte que la compagnie a besoin de capitaux pour un montant de 750 millions d'euros. Le consultant KPMG confirme. En janvier 2001, le gouvernement belge entame des négociations avec Swissair. Le ton monte.
Le ministre Daems se demande s'il n'est pas préférable de trouver un autre partenaire mais la banque ING Barings, consultée, estime que les chances sont minces. Il faut donc négocier avec Swissair. Finalement, un accord intervient le 24 janvier 2001. Swissair s'engage à prendre une participation de 85 % dans la Sabena et à la recapitaliser, à hauteur de 150 millions d'euros en cash. Le holding helvétique s'engage également à racheter des actifs de la Sabena pour un montant de 500 millions d'euros.
Rik Daems croit pouvoir dormir sur ses deux oreilles. Jusqu'à ce 19 février 2001, où Eric Honegger, président de Swissair, écrit au Premier ministre, Guy Verhofstadt et lui laisse entendre que le partenariat entre la Sabena et Swissair doit être revu.
Le mois suivant, Swissair honore toutefois son engagement de recapitalisation. Il verse 90 milliards d'euros, sur les 150 promis. Le solde doit être versé avant le 17 avril. Le 9 avril, Rik Daems écrit à Mario Corti, patron de Swissair lui enjoignant de payer. Pendant ce temps, Christoph Müller, patron de la Sabena, part à la recherche d'un nouveau partenaire. Un scénario de secours, qui prévoit la continuité des activités de la Sabena sans Swissair, est alors élaboré.
Le 16 mai, Ferd Chaffart, président du conseil d'administration de la Sabena, écrit à Mario Corti pour lui réclamer l'argent. Ce dernier répond, par courrier du 23 mai, qu'il ne payera pas, qu'il ne rachètera pas les filiales et qu'il ne contribuera pas au financement des Airbus. Quelques jours plus tard, Swissair émet une nouvelle proposition, réduisant à néant son apport de cash. Rik Daems refuse et lance un procès contre Swissair, le 3 juillet.
Les banquiers du holding helvétique exhortent Corti à trouver un accord à l'amiable. Ce sera fait le 16 juillet, entre Guy Verhofstadt et Mario Corti, en l'absence de Rik Daems. Le groupe suisse s'engage alors à payer 131 millions d'euros à la Sabena le 2 octobre. Il ne s'exécutera pas, provoquant la faillite

Guy Verhofstadt refuse de parler de la Sabena
La RTBF a interrogé mardi soir le Premier ministre sur des documents qu'il aurait refusé de remettre à la Commission Sabena. Le Premier s'est emporté et a refusé de répondre. Son cabinet parle d'un contexte relationnel difficile avec la RTBF et non d'une volonté de cacher quoi que ce soit sur la Sabena. (B.Dy)
« Le ministre a appliqué correctement les règles de gestion »
Pour justifier qu'il n'a pas commis de faute, le ministre des Participations publiques, Rik Daems, évoque à de nombreuses reprises, dans le rapport établi par ses avocats, le contexte difficile qui était déjà en place au moment de son arrivée, en juillet 1999.
Il évoque tout d'abord le premier partenariat entre la Sabena et Swissair, signé en 1995, par Elio Di Rupo (dont le nom n'est pas cité dans le rapport). Pour le ministre Daems, ces accords étaient imparfaits pour plusieurs raisons. D'abord, dès 1995, Swissair a acquis le pouvoir de gestion journalière de la Sabena. Or, dit le document, cette intégration n'était pas juridiquement encadrée par les accords signés en 1995.
D'autre part, Swissair n'était pas obligée de prendre la majorité dans la Sabena, en vertu de ces conventions. Le texte le prévoyait certes, remarque le rapport, mais cette prise de majorité était assortie de conditions irréalisables, rendant cette possibilité de prise de majorité inopérante.
Le ministre estime aussi qu'il était anormal que Swissair ne doive pas intégrer dans son bilan tout ou partie des comptes de la Sabena. Pour le ministre, une telle obligation de consolidation aurait rendu Swissair davantage responsable de la gestion de la Sabena, notamment au moment de prendre la décision d'acheter 34 Airbus, décision fermement recommandée par le groupe helvétique.
Enfin, pour Rik Daems et ses avocats, il n'était pas normal que le gouvernement belge ne dispose d'aucun moyen de contrôle sur la gestion du groupe Swissair.
Rik Daems indique avoir rémédié à ces lacunes lorsqu'il a signé de nouveaux accords avec Swissair, en avril 2000.
Le ministre s'est également vu reprocher d'avoir laissé se mettre en place une structure baptisée Airline Management Partnership (AMP), par laquelle la Sabena et Swissair fusionnaient certaines activités pour réduire les coûts. Beaucoup ont considéré que ce partenariat était défavorable à la Sabena. Dans le rapport, le ministre estime que la mise en place de l'AMP avait été négociée, dans les grandes lignes, avant son arrivée au pouvoir et que les conseils d'administration de Swissair et de la Sabena en avaient accepté le principe en juin 1999.
Rik Daems estime aussi que la Sabena était largement dépendante de Swissair à cause des ses faibles capacités financières, obérées, qui plus est, par la décision d'achat des Airbus (en 1997) et par deux contrats liant la Sabena à Virgin Express et à City Bird, signés avant son arrivée au pouvoir. Dans ce contexte, la compagnie n'intéressait pas de repreneur alternatif à Swissair.
Le rapport conclut que le gouvernement n'a commis aucune faute ni manquement et que le ministre des Participations publiques a « appliqué correctement les règles de gestion des sociétés (« corporate governance ») et respecté la répartition des rôles entre les administrateurs et les actionnaires ».·

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire